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Questions et tensions autour d’une mine d’or industrielle au Sud-Kivu

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Questions et tensions autour d’une mine industrielle d’or au Sud-Kivu

Quelle est la différence entre une mine artisanale et une mine industrielle? Comment pouvons-nous participer aux prises de décisions alors que les seuls à être consultés à cette fin sont nos chefs locaux? Comment pouvons-nous empêcher l’installation d’une mine industrielle et à qui devrions-nous nous adresser à ce sujet? Des promesses concernant les embauches locales ont été faites par la société mais n’ont pas été respectées – comment pouvons-nous y répondre? Nous n’avons pas accès aux informations sur les décisions prises par les autorités de chefferie – comment pouvons-nous avoir accès à ces autres informations dont vous parlez?

Comment pouvons-nous planifier la vie après l’exploitation de la mine et qui pourra prendre soin des générations plus anciennes? Les évaluateurs d’indemnisation de la société se sont rendus sur des terrains en l’absence du propriétaire afin d’en calculer la valeur – est-ce autorisé? Tous les membres de la famille étaient absents durant les négociations concernant la rémunération pour la réinstallation – comment cela est-il possible? Comment notre communauté peut-elle recevoir de l’argent afin de nous organiser tout en suivant votre conseil? Ceux parmi nous qui revendiquent nos droits sont considérés comme des rebelles – que pouvons-nous faire à ce sujet?

IMG_1248Ces dernières ne sont que quelques-unes des questions qui m’ont été posées par de nombreuses personnes locales affectées par l’exploitation minière industrielle de l’or, dans les villages de Luhwindja et Kaziba, dans la province du Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo. Je m’y suis rendue le mois dernier pour mener à bien une série de consultations pour l’Association du Barreau Américain au nom de son Initiative Etat de Droit (en sigle ABA ROLI), accompagnée par M. Prince Kumwam N’Sapu (Directeur du Programme d’ABA ROLI en RDC) dans le cadre d’un projet visant à développer un guide pratique pour la République Démocratique du Congo intitulé Minières Industrielles et Communautés Locales. Ce guide est une adaptation au cadre politico-législatif propre à la RDC d’un guide similaire d’ABA ROLI développé pour la Guinée. La mission a mis en évidence les nombreuses questions et les principales préoccupations des autorités traditionnelles, locales et des organisations de la société civile face à l’exploitation minière industrielle, les actions entreprises par ces derniers et les résultats obtenus, ainsi que la nature et la dynamique de la gouvernance locale. Tous nous ont montré un vif intérêt à l’initiative du guide et à nos conseils.. De plus, notre mission nous a permis de mieux nous informer sur le niveau et le contenu du Guide.

Avant les consultations communautaires, nous avons organisé un atelier provincial de deux jours au Sud-Kivu, à Bukavu, qui a accueilli environ vingt-cinq participants représentant des ONG, des autorités traditionnelles et locales de Bukavu et de la région environnante. Avant d’effectuer une formation pilote sur la moitié du contenu de ce guide, nous avons facilité une séance d’éclairage afin d’inciter les participants à réfléchir sur leurs actions et quels résultats avaient été obtenus à ce jour – et ainsi une première réflexion collective des participants, dont certains ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. La discussion a mis en évidence le fait que, bien que chacun ait entrepris de nombreuses actions – allant de plaidoyer pour l’accès à la terre, à des réunions avec des représentants d’entreprise, à l’offre de cours d’alphabétisation pour les mineurs artisanaux, à la rédaction d’études de cas et envoi de mémos à l’administration centrale, à mener des évaluations d’impact sur les droits humains et environnementaux – les défis (de corruption!) auxquels ils étaient confrontés étaient encore plus nombreux et les résultats obtenus étaient très faibles. La compréhension des participants était un besoin essentiel afin d’obtenir des stratégies plus efficaces et une collaboration plus concertée entre les autorités traditionnelles et locales ainsi que les acteurs de la société civile. De plus, la compréhension des participants représentait un besoin urgent de responsabilisation et d’une légitimité démontrable de ceux qui agissaient en tant que représentants de la communauté vis-à-vis de la société et de tiers.

Nous avons terminé notre mission en voyageant du village de Luhwindja à Kinshasa – un itinéraire de plus de 24 heures, impliquant l’usage d’une voiture 4×4 sur des routes désastreusement boueuses, une promenade en bateau durant la nuit et un voyage en avion, pour ne pas mentionner les embouteillages de Kinshasa. Une fois arrivés à destination, nous avons tenu une réunion avec des représentants des principaux ministères, les ONG et la Chambre des Mines. Ces derniers ont reçu notre initiative chaleureusement. Nous travaillons maintenant sur l’édition du guide en prenant compte des commentaires obtenus, et une version publiée devrait être disponible dès février.