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COMMUNIQUE DE PRESSE

Réinstallation Involontaire des Communautés Locales par Violences, Intimidations et Exclusion à la Mine d’AngloGold Ashanti en Kintinian, Guinée

Conakry, le 31 janvier 2017 – Le géant minier AngloGold Ashanti a acquis les terres pour l’extension de sa mine d’or à ciel ouvert en Guinée par violences, intimidations et d’autres comportements non éthiques, selon un rapport publié aujourd’hui par des organisations de la société civile guinéenne.

Le rapport examine les efforts s’étalant sur plusieurs années d’AngloGold et sa filiale en Guinée, la SAG, d’expulser environ mille habitants de « Area One » – zone faisant partie du village de Kintinian II dans le nord-est du pays – afin de développer une nouvelle mine à ciel ouvert. A travers des entretiens avec presque cent membres des communautés affectées, des représentants étatiques et de la société, les auteurs démontrent que la communauté a été exclue des consultations concernant l’utilisation des terres, a été brutalement réprimée lors de leurs manifestations, et a été contrainte à signer les accords de réinstallation qu’elles ne comprenaient pas et qui ne répondaient même pas aux normes internationales.

En mars 2015, la SAG a annoncé au gouvernement guinéen qu’elle devrait mettre fin à ses opérations en cours en Kintinian, à moins qu’elle n’accède à « Area One » d’ici mai 2016. A la suite de cette menace de la SAG – un risque véritable dans un pays dont au moins deux grandes sociétés minières ont retiré leurs investissements au cours des dernières années – l’entreprise et l’Etat étaient disposés à faire de grands efforts pour assurer l’accès à la terre. « Le secteur minier en Guinée a été frappé par la privation des terres, les violations des droits du travail, les promesses non tenues et même des massacres ; AngloGold a perpétué ce modèle à Kintinian », a déclaré Aboubacar Diallo, Coordinateur du Programme « Droits des Communautés Riveraines des Mines » au CECIDE, une des organisations guinéennes qui a rédigé le rapport.

Bérets rouges, unité d’élite de la Garde présidentielle tristement célèbre pour leur rôle dans le massacre du 28 septembre 2009, à Kintinian fin 2015

Le rapport fait état d’une large gamme d’abus contre les habitants d’Area One, notamment:

  • Violence physique. Lorsque les négociations entre les habitants de Kintinian et la SAG concernant les termes de la réinstallation ont été rompues, le gouvernement guinéen a envoyé ses forces de défense et de sécurité, y compris les « bérets rouges », les unités d’élite de la Garde présidentielle tristement célèbres pour leur rôle dans le massacre du 28 septembre 2009, pour faire céder les terres des populations par la force.

Les militaires lourdement armés ont brutalement réprimé les manifestations pacifiques, en traitant les populations locales comme s’il s’agissait de cibles militaires – « comme s’ils venaient contre des rebelles », selon un des habitants. « Ils ont pris d’assaut le village pour nous forcer à signer les documents et céder nos habitations », a expliqué un autre. Ces violences ont fait de nombreuses victimes, dont une jeune fille atteinte par balle à la poitrine et au cou qui n’a eu la vie sauve que par les moyens des parents.

Les forces de défense ont également endommagé et volé des biens au cours des attaques armées contre les civils. « Ils ont commencé à nous battre, ils nous ont volé les téléphones, ils ont aussi défoncé des portes pour perpétrer des vols », raconte un témoin. « Ils ont défoncé la boutique de mon jeune frère. Ils ont pris son argent et ses marchandises après avoir battu son vendeur », se souvient un autre.

  • Intimidation pour atteindre les objectifs de réinstallation. Juste après avoir supprimé les manifestations, les militaires armés ont accompagné les agents de la SAG pour effectuer le recensement des biens des habitants et les presser de signer les fiches de recensement. « Ils entouraient le village et ils cherchaient un à un les habitants pour aller se faire recenser par force, » se rappelle un des habitants. Les habitants disent avoir été « encerclés » pendant le recensement par les militaires à une distance de « zéro mètre avec des visages haineux. » « Les militaires portaient des armes et nous menaçaient de signer », raconte un des autres. « Les militaires étaient présents et tout le monde avait peur. »
  • Manque de transparence. AngloGold Ashanti souscrit aux normes internationales en matière de réinstallation involontaire, qui exigent des consultations avec les populations affectées concernant les plans de réinstallation et la divulgation de toutes les informations dans une langue que les populations peuvent comprendre. Toutefois, le bureau d’étude engagé par la SAG pour élaborer son plan de réinstallation n’a pas consulté les populations directement affectées de Kintinian II. En outre, les habitants ont été contraints de signer des documents en français – une langue parlée par peu des habitants – sans avoir l’occasion de se renseigner sur leurs droits et leurs options. Les accords qu’ils ont signé peuvent être nuls et non avenus selon le droit guinéen.
  • Exclusion des populations vulnérables, y compris les femmes et les enfants. Les rencontres des agents de la SAG avec les habitants de « Area One » étaient presque entièrement réalisées avec la participation des hommes adultes ; les femmes et les enfants ont été largement exclus. Beaucoup de femmes ont témoigné qu’elles ne savent rien du processus de recensement voir même la réinstallation, qui est plutôt géré par leur mari ou leur fils. En conséquence, la plupart des femmes, des mères et des enfants ont perdu l’accès à leur terre, complètement sans avertissement.
Assainissement de Area One pour l’extension des opérations d’AngloGold Ashanti, septembre 2016

« Nous avons fait appel à la SAG en août 2016 pour suspendre les expulsions, mais ils ont poursuivi leurs actions illégales », a déclaré Frédéric Foromo Loua, Président de MDT, l’un des auteurs du rapport. Les habitants ont été obligés de quitter leurs maisons en mai de l’année dernière ; depuis lors, les communautés sont livrées à elles-mêmes pour trouver des solutions d’hébergement provisoire pour une durée qui reste à ce jour indéterminée. La plupart des personnes affectées continuent à réclamer à la société de revoir les pratiques qui leur ont causé du tort, alors que seulement quelques-uns ont récemment accepté les clés des maisonnettes de réinstallation que la société a construits pour eux.

Les auteurs concluent que les actions d’AngloGold Ashanti, de la SAG et des forces de défense et de sécurité guinéennes violent le droit guinéen et les normes internationales en matière de réinstallation involontaire. Les auteurs font donc appel :

  • A l’Etat guinéen de réparer les préjudices causés par ses forces de défense et de sécurité et d’assurer le respect des droits de l’Homme ;
  • A la SAG et à sa société mère, AngloGold Ashanti d’assurer un audit public pour évaluer et remédier à la procédure de réinstallation involontaire effectué sur Area One ; et
  • A la communauté de Kintinian d’agir de façon pacifique dans la défense de ses intérêts et d’éviter la division sociale.

A télécharger:

Contacts: 

Français: Bilingue (Anglais/Français):
Aboubacar Diallo | +224 622 110 113 | aboubacardiallogn@gmail.com | Centre de Commerce International pour le Développement (CECIDE) Lien De Brouckere | +1 978 394 4875 | lien@communitiesfirst.net | Communities First, communitiesfirst.net
Me Fréderic Foromo Loua | +224 622 334 619 | mdtguinee@yahoo.fr | Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) Jonathan Kaufman | +233 555550377 | jonathan@advocatesforalternatives.org | Advocates for Community Alternatives, advocatesforalternatives.org

Centre de Commerce International pour le Développement (CECIDE) – Le CECIDE a pour mission de promouvoir et défendre les droits sociaux, économiques et culturels des communautés à la base, leur prise en compte dans la définition et la mise en place des politiques publiques de développement.

Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) – MDT est une ONG de défense et de promotion des droits de l’Homme qui a été fondée par des avocats guinéens et des jeunes professionnels du droit dans le but de lutter contre les violations des droits de l’Homme en Guinée.

MDT et CECIDE accompagnent les communautés de Kintinian en Haute Guinée depuis 2010 dans les domaines de promotion et défenses des droits et devoirs, de prévention et de gestion des conflits, de renforcement de capacités de para-juristes et élus locaux.

Communities First – Une petite entreprise travaillant dans le domaine du conseil en développement international, Communities First LLC fournit un soutien technique aux programmes et des services de conseil à la société civile et aux acteurs étatiques en matière du développement axé sur les droits humains dans le cadre des industries extractives, de la redevabilité des entreprises et de la gouvernance des ressources naturelles.

Communities First appui le CECIDE et MDT dans leur travail accompagnant les populations déplacées de Kintinian, ainsi que d’autres communautés locales en Guinée.

Advocates for Community Alternatives (ACA) – ACA aide les communautés ouest-africaines qui sont menacées par les impacts destructeurs du développement dirigé par le secteur extractif et les aident à prendre en main leur propre avenir. L’ACA collabore directement avec les communautés locales afin de concevoir leurs propres plans de développement durable et de plaider en faveur de ces plans et elle forme et appuie des réseaux d’avocats et d’autres professionnels qui desserviront les communautés locales.

L’ACA fournit un soutien juridique stratégique au CECIDE et MDT dans le cadre de leur participation au Réseau d’Avocats Œuvrant pour l’Intérêt Public en Afrique de l’Ouest (PILIWA), coordonné par ACA.